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L’émouvante lettre d’adieu de Yaya Touré à l’équipe nationale

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Les esprits et les cœurs s’y attendaient depuis un certain temps. Il y a des signes prémonitoires qui d’ailleurs prédisposaient nos mentalités à cette séparation. La séparation entre le capitaine du navire victorieux en Guinée Équatoriale et le reste de l’équipage. Reste, car certains éléments cadres du navire ont rendu le tablier au lendemain de la conquête de dame coupe en terre équato-guinéenne.

Bien avant, les emblématiques Didier (Drogba et Zokora) l’ont fait. Récemment ce sont Kolo Touré et Copa Barry qui ont quitté le navire ivoire. Aujourd’hui c’est au tour de Yaya Touré de prendre sa retraite en équipe nationale. L’information, rendue dans une émouvante rédaction aux allures de testament, a été divulguée publiquement par le concerné lui-même sur les réseaux sociaux. En voici l’extrait:

La rédaction de cette note a été sans doute ‘’le match le plus difficile de ma vie’’. Après 14 ans au plus haut niveau, je suis sûr que c’est le bon moment pour moi ! . L’âge (puisque j’ai 33 ans aujourd’hui), le rythme très dense des entraînements, la multitude des matchs… ne sont pas les raisons pour lesquelles je prends cette décision. Le football est tout pour moi. Il m’a donné tant de choses dans ma carrière que maintenant je ne me sens plus capable de me fixer de nouveaux objectifs, en tant que joueur avec les Eléphants de Côte d’Ivoire. Evidemment, l’une de mes devises importantes, c’est qu’un footballeur et même un sportif en activité qui n’a plus ses sensations, ne peut pas être compétitif. Cette décision que je prends est venu petit à petit, elle a lentement mûri dans ma tête. J’ai surtout considéré qu’il fallait laisser terminer les matches des éliminatoires de la Can prochaine. Il était également important pour moi que je ne perturbe pas la dynamique de la sélection nationale.

J’ai été très honoré toutes les fois que la sélection nationale me faisait appel. Et je me rappelle encore ma première finale en 2003, sous le maillot de la Côte d’Ivoire. Nous étions de la catégorie des juniors. Avec Eboué, Romaric, Dialito, Tony, Yeboah Daniel… On avait manqué de peu de gagner le trophée face à l’Egypte. C’était au Burkina Faso, au stade du 04 Août de Ouagadougou. J’avais hâte de vite rentrer à la maison et d’expliquer cette belle aventure à ma mère, dès notre retour à Abidjan. Mais le destin me réservait une surprise désagréable. Je n’imaginais même pas que le plus dur commençait pour moi. Deux jours avant la finale, Jacques Anouma, Idris Diallo et l’entraîneur Feu Mama Ouattara m’appellent. Ils lèvent tous difficilement la tête. Dans leur regard, je sens que quelque chose ne va pas. Et difficilement, ils m’annoncent la nouvelle qu’aucun enfant ne souhaite entendre. Le décès de ma mère. C’était pénible. Nous revenions de l’entraînement et je devais dans l’immédiat regagner Abidjan. J’ai tenu tout de même, à jouer la finale. J’avais compris que je n’allais jamais pouvoir offrir à ma mère, le maillot de l’équipe nationale que je lui avais promis. Je lui dois tout et je voudrais solliciter votre concours pour prier pour elle, pour le repos de son âme.

Je voudrais lui dire que je viens de prendre une importante décision dans ma vie de footballeur. Comme pour ma mère, j’ai eu les mêmes émotions lorsque nous étions au Mondial 2014, au Brésil. On m’annonce le décès de mon frère cadet, Ibrahim. Une fois encore à la veille d’un match important. Cette fois contre la Colombie lors du deuxième match de la phase de poule où nous devions obligatoirement gagner. J’ai encore le cœur meurtri. Ce sont des moments qui ont été difficiles pour moi. Puisqu’à l’époque en tant qu’un des leaders de la sélection des jeunes de 2003 et récemment, capitaine de la sélection A en 2014, j’ai fait le choix de continuer la compétition avec l’équipe. Je ne pouvais pas abandonner le groupe. Cela a toujours été un devoir pour moi de jouer sous les couleurs de la sélection nationale. Je me souviens de cette fameuse Can 2006 en Egypte. Nous avions certes perdu la finale. Mais c’était le début d’une enrichissante aventure. Dans cette compétition, j’avais réussi à réaliser mon premier but avec la sélection senior lors du deuxième match de poule (2-1) contre la Lybie. C’était le but de la victoire. La deuxième victoire de l’équipe après celle gagnée contre le Maroc qui nous qualifiait pour le second tour. Je me souviens encore de la Can 2008, au Ghana. Plus précisément de cette demi-finale au stade de Kumasi. Où les égyptiens ont durci le jeu afin de gagner la bataille du milieu de terrain… Je suis sorti du match blessé alors qu’à ce stade de la compétition, j’étais à cinq passes décisives. Je me souviens aussi de cette torpeur dans l’enclave de Cabinda. C’était en 2010, en Angola. Il y avait une atmosphère intenable après l’épisode du Bus togolais. J’en profite pour rendre un vibrant hommage aux footballeurs togolais.

Je me souviens de cette autre finale perdue en 2012 au Gabon. Où je n’ai pu m’empêcher de couler de chaudes larmes. Je me souviens enfin de cette finale gagnée en 2015. Elle est venue comme un gros ouf ! Ce fut un soulagement. Enfin, le peuple ivoirien avait sa coupe qu’il réclamait depuis une dizaine d’années. Notre génération tant attendu venait de remplir sa mission. Une belle récompense pour tous les Ivoiriens. Ils n’ont jamais cessé de nous dire merci. A travers les membres du Comité national de soutien aux Eléphants (Cnse), je me suis rendu compte combien les Ivoiriens sont remarquables. Je voudrais leur demandé leur compréhension. Et leur demander, comme on dit chez nous, de me donner ‘’une partie de la route’’.

Je remercie tous mes coéquipiers de la sélection nationale. Ceux des premières heures avec les Eléphants jusqu’à cet instant. Avec eux, j’ai eu le bonheur d’affronter le Brésil, l’Argentine, le Portugal, la Colombie, la Grèce… Ces grandes sélections nationales à la coupe du monde durant trois éditions consécutives (2006, 2010 et 2014).

Je voudrais leur dire de manière solennelle que j’arrête !!! C’est vrai que j’ai eu plusieurs titres dans les championnats nationaux où je suis passé en club, des coupes nationales, des trophées de la Ligue. En Belgique, en Ukraine, en Grèce, en France, en Espagne où j’ai pu gagner avec le Barça le prestigieux trophée de la Ligue des champions 2009. Egalement en Angleterre où je continue de jouer.

Avec les Eléphants, cela a été encore plus spécial. J’ai appris à gagner pour mon pays. C’est pourquoi, je garde la fierté d’avoir récolté pour la Côte d’Ivoire quatre Ballons d’Or africain. Je remercie Dieu, le Tout puissant de m’avoir permis de réaliser cela de manière consécutive. Je remercie plus particulièrement mes fans, mes amis et mes proches pour m’avoir soutenu. Je fais aussi une mention spéciale à nos partenaires journalistes qui ont su nous accompagner dans ces aventures. Je remercie ma famille, mon père, mes frères, mes sœurs … qui m’ont soutenu. Je ressens encore et toujours la chance d’être né dans une famille exemplaire, et sans eux, je n’aurais jamais rien eu de ce que j’ai pu gagner aujourd’hui. Je voudrais rendre hommage à mon épouse, à mes enfants… pour qui je dois aussi et surtout consacrer beaucoup plus de temps.

Je peux encore apporter beaucoup de choses aux footballeurs, aux jeunes de mon pays, du continent africain et du monde entier. Je voudrais donner aux enfants, ce que le football m’a donné. Le football, m’a beaucoup donné. Il m’a appris beaucoup de choses, les choses de la vie. C’est l’une des leçons les plus importantes dans ma vie. Merci à vous ! Que Dieu vous bénisse !

Comme nous le pressentions depuis un moment, le capitaine de l’équipe des éléphants victorieuse à la récente CAN ne jouera plus en équipe nationale.

Il compte à son actif 113 sélections, 19 buts, une CAN remportée et 3 participations au Mondial…

Merci Yaya ! Nous t’accordons la moitié de la route. Merci pour tout ! Le peuple ivoirien n’oubliera ces moments de joie et de bonheur que tu nous a procuré avec tes distinctions individuelles et tes performances sous les couleurs ivoiriennes.

Rolyvan

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