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Partage d’expérience avec Baltazar Touvoly : “En France, l’ennemi de l’ivoirien, ce sont ses propres frères ivoiriens”

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Partage d’expérience avec Baltazar Touvoly : “En France, l’ennemi de l’ivoirien, ce sont ses propres frères ivoiriens”

“Le déconfinement au niveau de Paris demande des heures d’ouverture inhabituelle, autrement dit, les heures ont changé, on ouvre un peu tard et on ferme plus tôt que d’habitude. Il est 17h50 ce jour, le nombre de personnes dans le magasin est atteint pour le respect des consignes de distanciation d’un mètre.

Mes deux compatriotes arrivent, de par leur accent et la manière dont ils s’appellent, je devine aisément qu’ils sont ivoiriens. Il est 17h55, ils veulent rentrer. Je leur signifie que le magasin est fermé sur ordre du directeur. Ils insistent, je leur fais comprendre que l’homme en bleu derrière moi, c’est le directeur du magasin : “Si je vous laisse entrer, je risque ma place”, leur dis-je. Ils veulent rentrer tout de même et expliquer de vive voix leur situation au directeur. Ils sont cooptés pour des travaux sur un chantier et très tôt le matin, ils doivent commencer sinon ce sera un retard dans leur contrat.

Je ne les écoute même plus. Je dis la même chose aux clients qui arrivent et qui se retournent en prenant connaissance des nouveaux horaires d’ouverture et de fermeture. Mes deux compatriotes sont toujours devant la porte. Ils vont plus loin en disant : ” Le problème de l’ivoirien en France, c’est son propre frère ivoirien”.

Une cliente arrive, je la laisse entrer. En fait, elle va récupérer le reste de ses achats à charger dans sa voiture. Mes deux compatriotes me font remarquer: ” Et celle qui rentre là, comme c’est blanc, elle a le droit “. Je leur explique le cas de la dame et elle ressort une minute après chargée de ses produits.

Ils ne cherchent plus à entrer mais se lancent dans des injures : ” C’est parce que c’est Bengue, sinon dans mon Babi y’a longtemps on t’a jeté pour passer “. Je souris, parce que dans notre Bengue même, il y a longtemps je les ai chargé. Bref. Tant qu’ils sont dehors, mon objectif est atteint.

Un autre arrive, sûrement leur chef qui attendait dans la voiture. Avec un accent antillais, il me dit : ” Bonjour mon frère, le magasin est fermé ? “. Je réponds par l’affirmative. Il demande aux deux : ” Mais depuis vous faites quoi ici alors ? “. L’un des deux répond : ” Mais depuis on demande pardon à ce maudia là de nous laisser rentrer, il refuse “.

Le monsieur leur dit : “Donc vous voulez forcer l’entrée ? “. Puis il me dit : ” Bon courage frère”. Je lui dis merci.
Et je lui demande ce dont il avait besoin. Il sort une liste de 35 produits de construction en bâtiments. Je lui dis de me remettre la liste et que je la remettrai demain matin à un membre du personnel qui va rassembler les produits pour lui.

En partant, il me remercie et exige aux deux autres de me présenter des excuses. Il me demande ensuite si je suis ivoirien. Je lui dis oui. Il regarde d’abord mes deux compatriotes, ils ont honte, et il me dit pour détendre l’atmosphère : ” humm alloco 1er gaou, j’adore, c’est trop bon”.

J’ai remis sa liste à un personnel.

On a tout transporté chez les gens.”


Source : Baltazar Touvoly l’illettré têtu

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